Betterave bio : profiter de l’expérience allemande

Début décembre, Saint Louis Sucre conviait une dizaine d’agriculteurs de Picardie et de Normandie à rencontrer, en Allemagne, des planteurs bio. L’objectif : leur faire découvrir la conduite d’une betterave bio avant de leur proposer, dès 2019, de tester cette culture sur leur propre exploitation.

Ophélie Bolingue

Partir à la rencontre d’agriculteurs bio allemands, découvrir la culture de betteraves conduites sans intrants chimiques. Tel était l’objectif du voyage proposé par Saint Louis Sucre les 5 et 6 décembre à neuf agriculteurs, bio ou en conversion. Direction Offstein, dans la région de Mannheim, où plusieurs intervenants les attendaient. Deux journées intenses, selon Ophélie Bolingue, inspecteur de culture chez Saint Louis Sucre, qui accompagnait les agriculteurs dans ce périple. « Dès notre arrivée, nous avons échangé avec un vigneron-planteur. Un moment convivial pour une première immersion. Le lendemain, plusieurs exposés de nos collègues de Südzucker ont permis de découvrir, en détail, l’itinéraire cultural d’une betterave bio. Un agriculteur nous a également confié son expérience ». Des exemples concrets nourris de nombreuses questions de la part des Français. « Parmi elles, celle du désherbage qui s’affiche comme un poste stratégique de la réussite de cette culture, poursuit Ophélie. Certains agriculteurs français ont découvert à quel point cette intervention pouvait être contraignante : en nombre de passages, en main d’œuvre, en coût. Mais des solutions existent. L’objectif de ce voyage était d’identifier les possibles points de blocage et de repérer les leviers pour les contourner. »

En 2019, Saint Louis Sucre se met au bio

Si la gestion du désherbage peut en décourager certains, le contrôle des maladies apparait en revanche plus simple qu’en conventionnel. Les variétés du catalogue bio présentent de bonnes tolérances et les arrachages ayant lieu précocement, les maladies de fin de cycle sont rarement présentes. « Cultiver de la betterave bio ne s’improvise pas mais cela s’apprend, résume Ophélie Bolingue. C’est pourquoi chez Saint Louis Sucre, on souhaite avancer par étape : en 2019, on va contractualiser quelques dizaines ha de betteraves bio, en proposant 2 à 3 ha aux agriculteurs volontaires. Nous allons mettre en place un accompagnement technique, dans le but d’acquérir en conditions réelles un maximum de références techniques, concrètes et transposables. Ces informations seront partagées entre planteurs, et avec nos équipes ainsi qu’avec des spécialistes des techniques de production bio » Dans un contexte où la demande des consommateurs pour le bio explose plusieurs agriculteurs sont prêts à tenter à l’expérience.

Quelques chiffres

 

  • - Les planteurs bio allemands cultivent en moyenne 8 ha de betteraves.
  • - Le désherbage représente, selon le salissement de la parcelle, de 70 à 120 heures de main d’œuvre à l’hectare pour le désherbage manuel sans compter deux à trois passages d’outils.
  • - La betterave revient tous les 5 à 7 ans dans une rotation bio qui compte de 10 à 12 cultures.

 

Jérémy Crespel,
agriculteur à Bus-la-Mésière (80)

« La betterave bio, ça me tente ! »

Agriculteur bio sur la totalité des 140 ha de son exploitation, Jérémy Crespel cultive une large gamme d’espèces : pommes de terre, endives, courges, épeautre, lentille, triticale, blé, maïs, colza associé... mais pas encore de betterave. « Cette culture m’intéresse et je me pose la question d’implanter 2 ou 3 ha en 2019, explique-t-il. Le voyage en Allemagne, début décembre avec Saint Louis Sucre, a répondu à plusieurs de mes interrogations, notamment en matière de désherbage. Si certains passages d’outils mécaniques, type bineuse ou herse, sont utilisés, le désherbage manuel reste indispensable. En moyenne, un hectare nécessite 100 heures de main d’œuvre ! Une organisation et un investissement qui ne m’effraient pas, même si je suis seul sur l’exploitation. Le recours à de la main d’œuvre extérieure pour ces travaux sont envisageables : je le fais déjà pour les pommes de terre par exemple. Tout dépendra du prix auquel seront achetées les betteraves bio. Le principal levier se situe au niveau économique d’autant qu’en bio, les arrachages précoces limitent le potentiel de rendement des betteraves. En bio, allonger les rotations en insérant de nouvelles cultures est incontournable. Le challenge technique m’intéresse. »

Pour aller plus loin, lire aussi le témoignage de José Flageul, ingénieur ISA LILLE. « La demande en bio est forte, les prix sont forts, les contraintes techniques sont fortes aussi mais… pas insurmontables !»