La betterave et l’agriculture de conservation : une association en test chez Benoît Guilbert

Depuis quatre ans, Benoît Guilbert couvre toutes ses terres, toute l’année, y compris pour la betterave, qui a rejoint l’assolement en 2017. Les premiers résultats sont encourageants mais demandent à être approfondis.

Benoît Guilbert

Benoît Guilbert est installé sur la ferme familiale depuis le 15 mars 2019 mais travaille aux côtés de son père depuis dix ans. L’exploitation, de 150 ha à Bucquoy, accueille un grand nombre d’espèces : blé, orge, colza, lin, pomme de terre, miscanthus, légumes… et la betterave depuis deux ans. 10 ha en 2017, 17 ha en 2018 et 15 ha cette année. Depuis quatre campagnes, il pratique l’agriculture de conservation. Objectif : que ces terres soient couvertes, toute l’année.

Aux termes semis direct ou agriculture de conservation, Benoît Guilbert préfère celui « d’agriculture de couverture des sols ». Une stratégie testée en 2015 et introduite progressivement sur l’ensemble de ses parcelles. « La technique tourne autour d’une même question : quels couverts, pour quelle rotation ? L’enjeu étant de couvrir les sols toute l’année et donc, d’implanter la bonne espèce, au bon moment. « Pour moi, le labour est un non-sens agronomique… et économique ! Je suis passé par l’étape des TCS (techniques culturales simplifiées) mais économiquement, je piétinais. Car bien que ces techniques diminuent effectivement le temps de travail, la dépense en gazole et l’usure du matériel, certaines interventions chimiques, comme le désherbage, restent incontournables et parfois plus compliquées à maîtriser. La couverture des sols associée à un semis direct est assurément la solution gagnante : elle limite le salissement des parcelles, améliore la vie microbienne et le taux de matière organique, préserve contre l’érosion... »

La couverture des sols associée à un semis direct est, à mon sens, la solution gagnante.

Le sol, un allié de choix

En quatre ans, Benoît reconnait certains loupés. « Chaque campagne est un nouvel essai, concède-t-il. Dans certaines parcelles, les avancées sont nettes. Dans d’autres, le gain est moins visible. Il suffit d’un couvert mal implanté ou de conditions climatiques compliquées pour rendre le résultat plus aléatoire. J’avance progressivement. J’apprends au fur et à mesure, en échangeant beaucoup avec d’autres producteurs et avec le soutien des équipes de Saint Louis Sucre avec son programme Mont Blanc. Le plus important ? Comprendre que le sol est notre principal allié. Le couvrir, c’est le protéger de l’érosion, des pluies excessives, lui permettre de recycler matière organique et éléments minéraux. » Son conseil ? « Implanter les couverts, dès la récolte des céréales, au plus proche de la moissonneuse : dans la journée où le lendemain pour profiter de l’humidité résiduelle et d’un sol encore chaud. Le choix des espèces à implanter est très large. J’en sème entre 15 et 20 différentes, dans toutes les familles : graminées, légumineuses, crucifères, trèfles, protéagineux… Cela me coûte en moyenne entre 40 et 60 €/ha. Plus les couverts sont semés tôt, plus ils se développeront et seront sensibles au gel, pour faciliter leur destruction. »

Avec cette technique, le seul résultat qui compte, c’est la marge dégagée.

En betterave, des essais à peaufiner

Chez Benoît, la betterave aussi est conduite en semis direct. « J’ai opté pour le Strip-till, un outil qui ne travaille le sol que dans la ligne de semis, avec une dent plus ou moins profonde selon l’objectif souhaité. 

- Dès la récolte du blé, je sème les engrais verts.

- Je passe ensuite le Strip till à l’automne pour fissurer assez profondément le sol juste à l’endroit où je viendrai, au printemps, déposer les graines de betteraves. Derrière la dent de l’outil, les deux disques referment la ligne de semis pour créer une micro-butte. Celle-ci va « mûrir » pendant l’hiver. 

- Juste avant le semis, je réalise une préparation fine du sol, avec le même outil, dans la ligne de semis. Le guidage par GPS est indispensable pour passer exactement au même endroit.    

- Les premiers résultats sont très encourageants mais restent encore très hétérogènes. Avec cette technique, le seul résultat qui compte, c’est la marge dégagée. Moins d’intrants, moins de charges de mécanisation, moins de gazole, moins de temps passé… tout doit être pris en compte.    

Les avancées :

- Le poste désherbage est fortement réduit. 

- Le sol est plus structuré, plus porteur, et profite à l’ensemble des cultures de la rotation. 

- La densité de vers de terre est dix fois plus importante que dans une parcelle labourée.

Les limites :

- Pour certaine modalité expérimentale betteraves les rendements n’atteignent pas encore les rendements moyens en itinéraire conventionnel.

- La technique demande observations très régulières de la parcelles et ajustement des opérations qui ne rend pas la technique parfaitement duplicable d’une année sur l’autre.

Protocole Mont Blanc

- Essai Strip-Till et végétalisation de l’inter-rang

- ​2 parcelles : une de 5 ha (historique TCS) et une de 10 ha (historique semis direct)

- ​Une seule variété sur chaque parcelle

- Les couverts d’été, composés d’un mélange de plusieurs espèces, sont semés au Tdrill début août

- Les couverts d’hiver (du blé) sont semés au Tdrill au 15 Octobre

Deux modalités sont testées sur la parcelle de 5 ha :

  1. Passage de Strip-till à l’automne et au printemps (grosses dents + kit vibro)
  2. Strip-till de Printemps uniquement (kit vibro)

Cinq modalités sont testées sur la parcelle de 10 ha :

  1. Strip-till classique destruction au semis de betteraves
  2. Strip-till avec resemis couvert d’hiver en plein destruction 2 mois avant semis de betteraves
  3. Strip-till avec resemis couvert d’hiver 2 rangs sur 3, destruction semis de betteraves
  4. Strip-till avec resemis couvert d’hiver 2 rangs sur 3, destruction 2 feuilles des betteraves
  5. Strip-till avec resemis couvert d’hiver 2 rangs sur 3, destruction 6 feuilles des betteraves

Les couverts d’été ont été semés au Tdrill début Août et sont composés d’un mélange de plusieurs espèces. 
Les couverts d’hiver seront semés au Tdrill au 15 Octobre, du blé sera implanté.