La montée à graines, risques et opportunités

Si pour un agriculteur, l’enjeu est de ne pas avoir de montée à graines dans sa parcelle, un semencier met, à l’inverse, toutes les chances de son côté pour produire le maximum de graines. Ces dernières seront sélectionnées, notamment, pour leur tolérance à la montée. 

Éric Dubert

Responsable des activités betteraves France chez Maribo

« En France, la montée à graines est l’un des premiers critères d’évaluation étudiés : une condition sine qua non pour promouvoir une variété de betterave. Mais les planteurs ne doivent pas pour autant prendre de risque avec des semis trop précoces ». 

Depuis deux ans, les conditions climatiques ne sont pas propices à la montée à graines. Les printemps, trop chauds, enregistrent de gros pics de montées des températures, propices à une forte dévernalisation. Un constat apprécié des agriculteurs qui évitent ainsi de passer dans chaque parcelle pour arracher les plantes récalcitrantes, sources de pollution potentielle pour la campagne suivante. 

Pour un semencier, le problème est double

« Toute création d’hybride commence par la production de planchons de chaque lignée parentale. Ces dernières devront vernaliser pour produire un hybride qui lui, ne devra pas être trop sensible à la vernalisation, explique Éric Dubert. Pour contourner le changement climatique constaté ces dernières campagnes, nous implantons nos parcelles de production de planchons en bordure maritime, en Bretagne, là où les conditions de vernalisation et de montée à graines sont optimales. Nous semons le plus tôt possible, dès le mois d’août, pour que les plantes accumulent durant tout l’automne et l’hiver assez de températures froides pour vernaliser. Nous « récoltons » ensuite les planchons au mois de février pour les repiquer dans la foulée dans des contrées plus chaudes, dans le sud de la France ou en Italie. Après une courte période de reprise de végétation, la montaison peut démarrer : la production de graines également. »

« Plus le semis est précoce, plus le risque de montées à graines est important »

Des essais en février en Seine-Maritime

En parallèle, le semencier doit s’assurer que dans les conditions où seront implantées ces génétiques, l’hybride ne montera pas à graines. « Pour cela, nous recherchons des conditions extrêmes de vernalisation, précise-t-il. Nous semons près de 10 000 parcelles en bordure maritime, dès le mois de février. Objectif : tester le niveau de tolérance de montée à graines des variétés en cours de développement et repérer les moins sensibles ». 

Des sensibilités adaptées à chaque pays

Toutes les variétés de la gamme Maribo sont notées sur une échelle de 1 à 9 pour leur capacité à monter à graines. « À 1, tout monte. À 9, la montée à graines est quasi inexistante, résume Éric Dubert. Pour des génétiques destinées au marché français, nous ne retenons que des variétés dont les notes sont comprises entre 8 et 9. Pour le marché allemand au climat plus continental, nous pouvons descendre à 5-6. Et pour le marché Russe, on regarde à peine ! Les cas de montée à graines sont rares, même avec des notes de 2 ou 3. »

Ce phénomène dépend donc de trois facteurs : la sensibilité variétale, la date de semis – plus le semis est précoce, plus le risque est important - et la région d’implantation : les climats continentaux étant moins propices au développement de ce phénomène que les zones maritimes. « À noter que généralement, les variétés tolérantes au rhizoctone brun et, dans une moindre mesure, celles tolérantes aux nématodes sont plus sensibles à la montée à graines. Il est donc fortement déconseillé de les semer en bordure maritime avant la mi-mars, car la dévernalisation risque alors d’être incomplète ».