La robotique alliée de l’agroécologie ? Retour d’expérience de Saint Louis Sucre

Alors que va débuter en 2023 le Grand défi de la robotique pour faire émerger les besoins du terrain, Saint Louis Sucre expérimente depuis deux ans un robot semeur-désherbeur autonome dans ses essais Mont Blanc. Prise de hauteur avec Thomas Nuytten, directeur betteravier sur les attentes dans les rotations betteravières.

Pour accélérer le déploiement de la robotique, l’association RobAgri pilote « Le grand défi de la robotique » dont le lancement est annoncé en janvier 2023. L’ITB est l’un des 81 membres de cette organisation ainsi que de nombreux constructeurs tels ceux proposant des machines en culture betteravière : FarmDroid et Ecorobotix. Dotée d’un fonds de 21 M€ issu de France 2030, ouverte à tous, cette initiative doit faire émerger les besoins du terrain afin de les remonter auprès des constructeurs et start-ups françaises. Les thèmes à travailler concernent notamment la transition agroécologique, la réduction de la pénibilité, l’assistance dans les chantiers, la sécurité…

L’expérimentation terrain est fondamentale pour valider la performance économique et agronomique de ces technologies. Saint Louis Sucre utilise depuis deux ans le robot FD 20 de FarmDroid dans le cadre de son programme Mont Blanc et sur la ferme agroécologique d’Étrépagny. Des expérimentations sont aussi conduites sur celle de Südzucker à Kirshgartshausen en Allemagne pour évaluer l’efficacité du désherbage mixte : binage sur le rang et entre les rangs, pulvérisation ultra-localisée sur la plante.

Thomas Nuytten, directeur betteravier Saint Louis Sucre partage son analyse sur l’intérêt des robots dans une rotation betteravière ainsi que les attentes en lien avec l’agroécologie.

La robotique, c’est stratégique pour des raisons de précision dans les pratiques et d’organisation.

Quel est votre retour d’expérience sur le robot FD 20 de FarmDroid ? Qu’apporte cette technologie robotique ?

FD 20 donne entière satisfaction sur la qualité du semis et l’implantation des betteraves sur tous types de sols (sans excès de cailloux et sans pierre). Son intervention demande une bonne préparation du sol avec une texture fine qui doit s’opérer en considérant un débit de chantier de semis du Farmdroid de 4-5 ha par 24h.
Ne pas travailler trop en anticipation du semis au risque de perdre l’humidité du sol. Autre intérêt relevé dans nos essais Mont Blanc : son autonomie, sa robustesse, sa fiabilité au travail.

Quant à son efficacité de désherbage, sur l’inter-rang c’est 100% de réussite sur chaque parcelle d’essai. Là où nous devons progresser avec les équipes de STECOMAT, c’est sur les réglages des éléments sur le rang. Les précautions qui sont prises depuis 2 ans sur la distance de désherbage « plantule-couteaux »  pour éviter tout risque de déchaussement des betteraves au stade 2-4 feuilles (BBCH 12 – BBCH 14) sont à revoir pour les essais 2023. Il s’agit de mieux maitriser encore les adventices qui se développent à moins de 5 cm des pivots pour éviter autant que possible le relai chimique.

Avez-vous noté aussi des points d’amélioration ?

Nous échangeons régulièrement avec le constructeur pour faire évoluer la machine. Cette année, avec des conditions particulières de sécheresse, elle a rencontré quelques difficultés. Le terrain a été plus dur à travailler. La puissance électrique de la batterie s’est révélée insuffisante pour tourner 24 heures sur 24. Nous avons dû la remplacer. Si le désherbage de l’inter-rang a été efficace, avec ces conditions sèches, il a manqué de précision sur les adventices qui ont poussé sur la ligne de semis, à proximité des jeunes betteraves.

Le réglage est en cours par le constructeur pour améliorer ce degré de précision. Autre constat partagé : la machine peut trainer les grosses pierres sur plusieurs mètres, lesquelles arrachent les plantules de betteraves. L’idée est d’ajouter des capteurs ou des caméras à l’arrière de la machine. Ainsi, ils vérifieraient que le compte est bon côté betteraves, puisque leur position est enregistrée. Enfin, nous aimerions pouvoir repasser si besoin en marche arrière sur la zone binée.

Grâce à l’expérimentation menée dans nos essais Mont Blanc, nous aidons les constructeurs à faire évoluer les robots.

Pensez-vous qu’à moyen terme le robot remplacera le pulvérisateur ?

La pulvérisation localisée, ne ciblant que l’adventice ou la plante cultivée selon les objectifs, est une technologie qui suscite de plus en plus l’intérêt des agriculteurs. À moyen terme, elle est la réponse pour diminuer les IFT. Des pulvérisateurs de plusieurs marques s’équipent de caméras reliées à des algorithmes de reconnaissances des mauvaises herbes. Déjà, les résultats sont intéressants avec 70 % de réduction des quantités de produits annoncées en moyenne dans les essais sur betteraves. Tout dépend du niveau de salissement des parcelles. L’intelligence artificielle peut s’embarquer sur des robots. Néanmoins, il faut que les débits de chantiers soient proches de ceux des pulvérisateurs, l’investissement acceptable et la prise en main facile. Les usages devront concerner plusieurs cultures de la rotation betteravière, tous les produits de protection des cultures et pourquoi pas les fertilisants. Le pulvérisateur et le robot sont deux machines complémentaires. Ils peuvent être un outil deux en un. Des essais pour réaliser du « spot spraying » sur la ligne de la culture avec FD 20 sont menés sur la ferme de Südzucker en Allemagne.

Le robot semeur-desherbeur FD 20 de FarmDroid sur le village de la robotique du Sima.

La plateforme autonome de pulvérisation d’Ecorobotix et le stand de RobAgri pour présenter le grand défi de la robotique.