Le couvert végétal a-t-il vocation à être détruit ?

Benoît Guilbert, agriculteur à Bucquoy dans le Pas de Calais, pratique « une agriculture qui se voit », comme il aime la qualifier. Il s’oriente vers l’agriculture de conservation des sols (ACS), l’agro-écologie et le non travail du sol.

Benoît Guilbert

Benoît Guilbert profite de rencontres de plein champ pour partager des connaissances techniques avec les équipes agronomiques Mont Blanc. « Ces moments d’échanges sont primordiaux pour impliquer toute la filière sur l’agriculture de conservation des sols des betteraves, thématique d’avenir. » « Les équipes du programme Mont Blanc m’ont encouragé à produire mes betteraves en ACS. Nous développons ensemble un itinéraire agro-écologique qui permet d’implanter la betterave sans travail du sol complet, tout en conservant un couvert végétal permanent en inter-rang. Conserver une couverture est un bon moyen pour intervenir peu sur les parcelles. Ce n’est pas dans notre culture française et pourtant réussir à ne rien faire demande du temps, de l’observation et de la rigueur. »

Semer le couvert à la moisson

Tout commence sitôt la moisson. Benoît Guilbert a équipé sa moissonneuse batteuse d’un semoir sous la coupe. « Avec cette technique on sème le couvert entre la fauche de la céréale et le rejet de la paille au niveau du broyeur. La graine est placée sous la paille, ce qui permet un meilleur contact terre-graine. L’humidité résiduelle peut favoriser la levée des graines. Tout dépend des conditions météo dans les jours qui suivent le semis. »

Crédit photo : Benoît Guilbert

Le semis des couverts sous la coupe de la moissonneuse limite le nombre de passages d’outils sur la parcelle et créée des conditions d’humidité favorables à la germination des graines.

Des mélanges au service de la betterave et de la biodiversité

Benoît Guilbert recherche les meilleures plantes de services pour la culture de la betterave. Pour cela, plusieurs réflexions sont menées au moment du choix des espèces. « Un couvert est d’autant plus utile qu’il répond à des attentes multiples ; il doit donc être constitué d’un mélange d’espèces. Je sème 15 à 20 espèces de plantes différentes, à 1 cm de profondeur. Cela représente un coût de semences compris entre 40 et 60 € / ha. » Les graminées, semées en inter-rang, sont intéressantes car au printemps il est possible de les rouler. « J’obtiens un paillage sur le sol ce qui limite le désherbage. En appliquant moins d’herbicide, je favorise le démarrage de la betterave qui atteint plus rapidement le stade où elle est moins sensible aux prédateurs.» Dans son mélange, Benoît Guilbert apporte des légumineuses pour le bénéfice lié à l’azote. Enfin, il cultive des plantes à fleurs pour leur intérêt vis-à-vis de la biodiversité. « J’observe des syrphes, des chrysopes et des coccinelles sur ces plantes. C’est intéressant pour réduire le parasitisme sur la culture. »

Est-ce que la plante compagne doit mourir pour laisser place à la culture suivante ? À méditer ! Benoît Guilbert.

Dilemme : détruire ou ne pas détruire le couvert ?

Benoît Guilbert réfléchit à l’intérêt de détruire le couvert avant l’implantation de la betterave. « En 2020, en sortie d’hiver, une partie de la phacélie n’a pas été détruite lors du passage de glyphosate, et ne l’a pas été non plus dans l’inter-rang du semis de betterave. C’était involontaire, mais source d’expérience. J’ai maintenu cette situation pour voir les enseignements qu’on pouvait en tirer. J’ai observé que ces plantes compagnes ont accueilli des insectes. Je m’interroge donc sur l’intérêt de détruire le couvert alors qu’il apporte de nombreux services, même au printemps. J’imagine plutôt une destruction non chimique ou une régulation suffisante des plantes pour qu’elles ne freinent pas le démarrage de la betterave.» Benoît Guilbert compte également sur le paillage généré par le couvert pour limiter l’enherbement de la parcelle en inter-rang. « Je travaille la ligne de semis au strip-till. Les graines d’adventices ne sont pas stimulées et donc ne germent pas. Le rang se trouve lui aussi moins infesté d’adventices. C’est tout bénef ! »

Photo : Benoît Guilbert - Les phacélies restées présentes dans la culture ont favorisé la biodiversité : insectes, d’auxiliaires...