
Adapter l’arrachage pour moins tasser le sol
Le programme Mont Blanc Le 06/11/2022Pour limiter le tassement du sol lors de l’arrachage des betteraves, Benoit Guilbert s’est inspiré du concept Controlled Traffic Farming ou « culture avec circulation contrôlée ». Le principe consiste à réduire au maximum les voies de circulation des machines agricoles dans les parcelles pour limiter le tassement du sol.


« Mon prestataire a investi dans une ROPA 6 roues d’une capacité à charge de 30 tonnes, si bien qu’à charge, elle pèse 60 tonnes », indique Benoit Guilbert. Face à ce constat et inspiré par la technique Controlled Traffic Farming, il a réfléchi à organiser autrement le chantier d’arrachage pour limiter le tassement de son sol. « J’ai souhaité décomposer le chantier en utilisant un Terra Gator pour débarder les betteraves. La ROPA est normalement prévue pour le faire mais je voulais limiter le nombre de passages et faire en sorte que seul le Terra Gator passe au même endroit, dans la bande fleurie implantée au milieu de la parcelle. La ROPA vide à l’arrêt dans la fourrière. » Certes, cette organisation est un peu plus chère puisqu’il faut prévoir un chauffeur et du matériel en plus mais pour l’agriculteur la préservation de son capital est une priorité.

Avancer roue dans roue
Pour limiter la surface de compaction occasionnée par le passage des pneumatiques, l’avancement de l’arracheuse s’est effectué roue dans roue. Benoit Guilbert a calculé qu’au bout des 600 mètres de longueur de la parcelle, la ROPA charge 16 tonnes de betteraves (donnée calculée pour un rendement de 90 t/ha). « En avançant roue dans roue, ce poids est réparti sur les trois essieux et donc moins important sur chacune des roues, explique Benoit Guilbert. Je ne souhaitais pas un avancement en crabe afin de concentrer la charge sur une surface moins large. Sur les six routes arrachées, les pneus écrasent le sol sur les rangs 1, 2, 5 et 6. Les rangs centraux sont juste effleurés. Par conséquent, seuls les deux tiers de la surface sont tassés par le passage des pneus. Dans le tiers restant, je peux ainsi semer mon blé uniquement avec le passage du strip till, sans retravailler le sol. »

La ROPA, en avançant roue dans roue, ne tasse que sur les 2/3 de la surface d’arrachage. Avec son système GPS RTK, Benoit Guilbert aligne les roues de son semoir sur le passage de l’arracheuse pour concentrer le tassement toujours au même endroit. « Pour semer mon blé juste derrière les betteraves, j’effectue un passage de herse vibro à 25 km/h dans la partie tassée par le passage de l’arracheuse."

Optimiser l’intérêt des bandes fleuries
Le Terra Gator effectue un circuit pour limiter son passage dans la parcelle. Il effectue les trajets uniquement dans la bande fleurie.

En blanc, le circuit emprunté par le Terra Gator pour limiter le tassement au sein de la parcelle. Il suit toujours le chemin le long du bois avant de rouler dans la bande fleurie, ici représentée en traits pointillés.
« Statistiquement, il y a eu 20 à 25 passages sur la bande fleurie qui n’ont pas eu lieu sur la parcelle, toutes les 12 routes, se félicite l’agriculteur. C’est colossal ! Cette organisation de débardage me coûte mais elle maintient la qualité de mon sol. »
Pour Benoit Guilbert, les bandes fleuries fournies par Saint Louis Sucre présentent plusieurs intérêts. En plus de leur utilité au printemps et à l’été pour les insectes pollinisateurs, elles peuvent servir à l’automne à limiter le tassement du sol par le passage des engins de récolte. « C’est une seconde utilité à creuser, souligne-t-il. Les bandes fleuries ont de la portance, elles évitent le matraquage du sol ce qui n’altère pas l’enracinement des cultures suivantes. Il faut juste anticiper la localisation des futures parcelles de betteraves pour y implanter des bandes fleuries qui soient suffisamment développées au moment de la récolte. »


Benoit Guilbert reste conscient que ces passages à répétition du Terra Gator détruisent la bande fleurie. Il attend la sortie d’hiver pour constater l’évolution de la flore. « Qui sait s’il n’y aura pas d’éventuelles repousses ? Quoiqu’il en soit, je m’interroge sur la possibilité de retravailler cette bande en profondeur après l’hiver, pour la détasser. En effet, si le sol reste trop compact, des plantes bioindicatrices du tassement comme les chardons risquent de s’y développer et de limiter la pousse des graines de phacélies ou de trèfles, tombées naturellement sur le sol. Pour éviter cette situation, je pense passer le strip till dans cette bande et y implanter une culture type sorgho. Son système racinaire important contribuera à aérer le sol et sa forte biomasse à le couvrir rapidement. »
Agronomiquement, j’innove. Même si je ne réussis pas toujours, j'apprends.
Et les vers de terre dans tout ça ?
Dans sa bande fleurie, Benoit Guilbert a effectué des prélèvements de terre à la bêche. « J'ai constaté que dans les zones de la parcelle où il y a eu moins de passages de pneumatiques, on a préservé les vers de terre et limité l’érosion du sol. En effet, la compaction réduit l’aération du sol, les échanges et la rétention en eau. Le concept Contrôle Traffic Farming m’a fait prendre conscience de cette problématique. Il faudrait pouvoir harmoniser les largeurs d’essieux de toutes les machines agricoles et rouler uniquement sur des rails permanents. Mieux vaut concentrer le tassement pour laisser profiter le reste de la parcelle et préserver la biodiversité qui recolonisera les zones piétinées adjacentes. »

J’accorde davantage d’importance au sol. Avec mon système, je mesure des effets positifs. J’espère qu’à l’avenir ils seront reconnus et rémunérateurs.



