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Daniel Calmejane

Daniel Calmejane

Directeur des Ventes Industrie et Export, Saint Louis Sucre

Évolution du marché mondial du sucre juillet 2023 - septembre 2023

En juillet 2023, les contrats à terme sur le sucre blanc ont évolué dans une fourchette de 650 à 700 USD/t et les contrats à terme sur le sucre brut entre 23,25 Cts/lb (510 USD/t) et 25 Cts/lb (550 USD/t). Puis, d'août à la mi-septembre, le cours mondial a fortement progressé pour atteindre des niveaux de 757 $/t pour les blancs et de 27,4 Cts/lb (605) pour les roux, dépassant les niveaux constatés plus tôt dans l’année au printemps, retrouvant les plus hauts constatés depuis plus de 10 ans. Cette hausse des prix est le reflet de l'insuffisance des disponibilités de sucre à court terme sur le marché mondial.

Les mois de juin et d'août ont été marqués par de faibles précipitations en Inde, et seul le mois de juillet a connu des conditions favorables au développement du sucre. La faible reprise de la mousson en septembre exacerbe les inquiétudes concernant la maturité de la canne à sucre. Les perspectives de récolte de l'Inde sont donc particulièrement préoccupantes. Si la production atteint 31,5 millions de tonnes, les rumeurs du marché suggèrent que les exportations pourraient être limitées à seulement 2 millions de tonnes, soit une réduction drastique de 66 % par rapport à la saison 2022-2023. Et si les exportations sont autorisées, le gouvernement pourrait ne les autoriser qu'après le mois de mai de l'année prochaine. Une production inférieure à ce seuil, qui semble actuellement réaliste, pourrait entraîner un arrêt complet des exportations pour l'année prochaine, ce qui pourrait à nouveau entraîner une flambée des prix.

La Thaïlande se trouve dans la même situation, l'insuffisance des précipitations pouvant entraîner une baisse importante de la production et des exportations. Avec une production de sucre de seulement 8-9 mmt contre 11 l'année dernière, les exportations pourraient passer de 8 à 5,5 mmt, ce qui accentuerait également la pression à la hausse sur les prix.

Le seul élément baissier du marché semble être le Brésil. La récolte de canne à sucre brésilienne s'accélère et l'on s'attend à une très bonne récolte supérieure à 40 millions de tonnes. Mais les précipitations liées à El Niño pourraient également entraîner une fin précoce de la campagne dans le Centre/Sud en novembre ou décembre.

La situation des cultures dans les différents pays pour 2023-2024 laisse actuellement présager une situation plus tendue que prévu il y a quelques mois. Les estimations de la balance mondiale du sucre indiquent un marché déficitaire. À court terme, la situation du sucre est haussière. Un déficit dans les flux commerciaux semble faire l’unanimité parmi les experts, en particulier au premier et au deuxième trimestre. À plus long terme, on craint de plus en plus que l'Inde ne soit absente du marché de l’exportation en 2025. Il existe déjà des scénarios dans lesquels l'Inde pourrait importer du sucre.

Le niveau élevé des prix semble également être soutenu par la forte activité des fonds financiers spéculatifs. Ces acteurs continuent de détenir une importante position acheteur (pour le sucre brut : 145 008 lots nets longs, rapport CFTC Commitments of Traders du 26.09.203).Depuis le 15 septembre, le marché reprend son souffle, baisse légèrement, pour atteindre des niveaux de 705 USD/t pour les blancs et de 26,3 Cts /tlb pour les roux, mais la tendance reste haussière à moyen terme.

L’Europe, structurellement déficitaire, voit quant à elle le prix des importations de sucre de canne destiné au raffinage fortement progresser pour la campagne de commercialisation 2023/2024. L’exemple récent de l’adjudication ouverte en septembre pour les droits d’importation du sucre dans le cadre du contingent CXL Erga Omnes est significatif :

Dès l’ouverture de l’adjudication le quota d'importation "CXL Erga Omnes" a été entièrement épuisé. Il couvre 260 390 tonnes de sucre de canne brut destiné au raffinage, qui peut provenir de n'importe quelle origine. Le sucre brut en vrac destiné au raffinage importé dans l'UE dans le cadre de ce contingent sera soumis à un droit de douane de 98 €/mt. Si l'on ajoute à cela les autres éléments constitutifs du prix d’importation rendu raffinerie européenne (marché à terme, prime de polarisation, fret maritime, perte au raffinage…) et le coût de raffinage en Europe, avec un cours mondial entre 26 cs et 27 cs, un calcul rapide implique un prix intérieur de l'UE pour ce sucre d'environ 900 €/t avant toute marge commerciale. Jusqu'à la fin du mois de septembre, les prix du sucre ont légèrement baissé pour atteindre des niveaux de 705 USD/t pour les blancs et de 26,3 Cts /tlb pour les roux, mais ils resteront soutenus.

Sur le marché du sucre de l'UE, la situation de la production semble à nouveau assez bonne, même si la teneur en sucre des betteraves est inférieure à la moyenne quinquennale. Mais les rendements plus élevés des racines de betteraves et l'augmentation de la superficie de betteraves dans l'UE 27 de près de 3 % par rapport à l'année dernière ont conduit la Commission européenne à estimer la production de sucre à 15,6 millions de tonnes en 23/24, en hausse de 1 million de tonnes par rapport à la campagne précédente. Avec une consommation de 14,8 millions de tonnes inchangée par rapport à l'année dernière, la Commission prévoit des stocks de clôture de 1 417 millions de tonnes (1 367 millions de tonnes l'année précédente). L’Ukraine ayant, pour la deuxième campagne consécutive un accès illimité sans droit de douane, annonçant une augmentation de la production de 1,3 à 1,6 million de tonnes de sucre, l'UE devra très probablement absorber au minium un demi-million de tonnes de sucre Ukrainien. Nous observons déjà, notamment dans les pays de l’est de l’Europe une tension sur les prix lors des négociations des derniers contrats 2023 - 2024.

Le prix communiqué par la Commission européenne pour août 2023 est passé de 821 à 819 €/t pour l'UE. Pour la région 2 (BE, DE, FR, UK, NL), 808 €/t ont été déclarés. Le niveau futur des prix dépendra désormais principalement des résultats de la récolte en Europe au cours de cette saison, des importations ukrainiennes dans l'UE et des prix mondiaux du sucre. Mais dans l'ensemble, les perspectives semblent positives pour 2024.