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Daniel Calmejane

Daniel Calmejane

Directeur des Ventes Industrie et Export, Saint Louis Sucre

Évolution du marché mondial du sucre février 2024 - mars 2024

En février, le marché mondial a connu une évolution très instable, suivie d'une chute brutale au début de mars, avant de se redresser par la suite.

Au cours de la première quinzaine de février, les contrats à terme sur le sucre brut se sont négociés dans une fourchette relativement étroite de 23,5 cts/lb (518 USD/t) à 24 cts/lb (529 USD/t). Les contrats à terme sur le sucre blanc se sont négociés quant à eux dans une fourchette légèrement plus large de 647 à 666 USD/t. Les prix ont été soutenus par l'incertitude concernant la fin des campagnes de production 2023-2024 en Thaïlande et en Inde, ainsi que par l’inquiétude naissante sur l'état des cultures au Brésil pour la nouvelle récolte 2024-2025.

Depuis novembre, les précipitations inférieures à la moyenne au Brésil ont fait craindre une baisse de la récolte de canne à sucre en 2024-2025. En outre, la demande internationale de sucre s'est redressée. Les nouvelles baissières telles que la dépréciation temporaire de la monnaie brésilienne, par exemple, ont été largement ignorées par le marché.

Au cours de la seconde moitié de février, les prix du sucre ont perdu un peu de terrain et sont sortis de la fourchette du mois précédent. Les conditions météorologiques s'étant améliorées dans le Centre Sud Brésilien, apaisant les inquiétudes concernant l'état des cultures pour la nouvelle saison 2024-2025. Dans le même temps, pour la saison 2023-2024 une production plus élevée en Inde a également exercé une certaine pression sur les prix.

Par conséquent, la fourchette des prix à terme du sucre s'est quelque peu élargie :

le sucre brut s'est négocié entre 22,6 cts/lb (498 USD/t) et 24 cts/lb (529 USD/t) et le sucre blanc entre 612 et 635 USD/t. Dans l'ensemble, le sentiment du marché était plus incertain qu'au cours de la première moitié de février, mais il restait stable à court terme et légèrement haussier à long terme, l'idée étant que seules des nouvelles extrêmement négatives pourraient faire tomber les prix du sucre en dessous de 22 cts/lb et que les fonds de pension, restés à l’écart du marché du sucre depuis le mois de décembre, ou des changements au Brésil pourraient faire repartir les prix à la hausse.

À la fin du mois de février, la situation a changé, à l’expiration du terme de mars à New York. Le contrat de sucre NY #11 March a expiré le jeudi 29 février 2024. La livraison de 1,3 million de tonnes contre le terme de mars a été la deuxième livraison la plus importante jamais enregistrée, traduisant d’un côté la disponibilité forte de sucre brésilien et les difficultés pour les vendeurs à trouver des marchés pour ce tonnage.

D'autres facteurs négatifs ont contribué à cette baisse rapide : la production brésilienne de sucre pour 2023-2024 est effectivement confirmée en hausse significative (à 42 millions de tonnes) et la monnaie brésilienne a touché son niveau le plus bas depuis trois semaines par rapport au dollar américain (un BRL faible est généralement baissier pour le sucre car il incite à augmenter les ventes à l'exportation du Brésil).

En outre, la mise à jour des chiffres de la production Thaïlandaise s’est traduite par un ajustement à la hausse, à environ 8,5 millions de tonnes (au lieu de 7,5 millions de tonnes initialement prévues). Cela pourrait se traduire par une augmentation des exportations Thaïlandaises. Les analystes tablent désormais sur une récolte thaïlandaise 2024-2025 également plus importante pour donner suite au rebond attendu de la superficie d'environ 10 % en raison des prix plus élevés de la canne à sucre par rapport notamment au manioc.

Enfin, les chiffres actualisés de la récolte en Inde ont montré de bons rendements qui devraient se traduire par des chiffres de production plus élevés que prévu. Les pluies à fin novembre ont retardé le début du broyage, ce qui, avec la lenteur de la récolte, a eu un effet positif sur la croissance de la canne à sucre. Le chiffre de production de sucre de l'Inde pour les 23/24 a été revu à la hausse et se situe désormais aux alentours de 31-33 millions de tonnes.

Après la forte baisse des prix au début du mois de mars, le cours du sucre n'a cessé de se redresser jusqu'à la fin du mois de mars et au début du mois d'avril. Le sucre brut est remonté à 22,7 cts/lb le 1er avril 2024 et le sucre blanc à 653 USD/t fin mars, retrouvant les niveaux constatés au début du mois de février.

À deux reprises depuis le mois de décembre, le marché a donc testé le seuil des 20 Cs à NY, $ 600 à Londres, sans parvenir à descendre pus bas, rebondissant à deux reprises vers le niveau de 22 Cs/ $650, qui semblent désormais le niveau de prix « raisonnable ».

Comme d’habitude, tout mouvement inattendu en provenance d’Inde ou du Brésil sera à surveiller de près dans les prochaines semaines, pouvant entraîner un nouveau mouvement de hausse ou de baisse. Tout particulièrement, l’Inde pourrait-elle revenir sur sa décision d’interdire les exportations si les rendements s’avéraient être significativement meilleurs ? Quid des récoltes Brésiliennes et Indiennes en 2024-2025, pour l’instant attendues en baisse ? La Thaïlande confirmera-t-elle les premières rumeurs de production en hausse au-dessus de 10 millions de tonnes ?

Au total, alors qu'un léger excédent est prévu pour le bilan mondial du sucre en 2023-2024, le marché du sucre pourrait à nouveau connaître une période de (faible) déficit en 2024-2025.

Dans l’immédiat, le marché du sucre attend avec impatience les premiers indicateurs de la nouvelle récolte 24/25 au Brésil, qui sont susceptibles d'accroître la volatilité du marché en raison de sa dépendance à l'égard de ce secteur.