La gestion du risque de compaction du sol en rotation betterave
Nos équipes Le 23/12/2025Face aux défis de la transition agroécologique, Hervé Van Hoecke évalue dans son mémoire effectué à UniLaSalle, l’impact des arracheuses intégrales sur les sols betteraviers. Il propose des leviers concrets pour limiter leur compaction.
Inspecteur de culture chez Saint Louis Sucre depuis 1998, Hervé Van Hoecke accompagne plus de 250 agriculteurs. Parmi ses missions : l’organisation des enlèvements de betteraves. Toutefois, depuis vingt ans, il observe un basculement massif du matériel de récolte vers les arracheuses intégrales. « Désormais, elles concernent 90 % des chantiers », indique-t-il. En action, ces machines pèsent parfois 60 tonnes. Même répartie sur plusieurs essieux, cette charge exerce une forte pression sur le sol, en particulier par temps humide.
« Dans le cadre de la transition agroécologique de la culture de la betterave, j’ai donc souhaité approfondir ce problème de compactage du sol afin d’identifier de potentielles marges de manœuvre », souligne Hervé Van Hoecke.
En fragilisant la structure profonde du sol lorsqu’elles interviennent en condition humide, les arracheuses intégrales peuvent annuler les bénéfices agronomiques d’une culture sarclée comme la betterave. Son système racinaire favorise l’aération et la circulation de l’eau. De plus, le compactage n’est pas toujours facile à repérer. « Un sol peut paraître lisse et pourtant être compacté en profondeur. Les ornières ne sont pas un indicateur fiable », complète Hervé Van Hoecke.
Impact du tassement du sol
Dans un sol tassé en profondeur, l’enracinement se réduit. Par conséquent, la rhizosphère échange moins et la plante s’alimente mal. De surcroît, avec moins de porosité, la réserve en eau utile diminue.
Les conséquences agronomiques s’enchaînent pour la culture suivante. Le drainage du sol ralentit et des ruptures de capillarité se forment. Ces phénomènes assèchent rapidement les horizons supérieurs. Enfin, après un arrachage difficile, la vie biologique du sol met souvent deux à trois ans à se reconstituer.
Six recommandations opérationnelles
Le tassement du sol dépend avant tout de la charge par essieu, de l’humidité du sol, de sa texture et de la pression des pneus.
Choisir les bons créneaux météo d’intervention grâce aux OAD.
Une arracheuse tractée extrait les betteraves et les dépose en andain puis une autochargeuse vient les charger pour les transporter. Ainsi, en décomposant les opérations, la pression sur le sol diminue.
Éviter d’utiliser des tracteurs trop lourds ou trop puissants pour les opérations de débardage. Un tracteur de forte puissance (250–300 ch) pèse souvent plus de 10 tonnes. Il tasse donc fortement le sol, surtout quand il tracte une benne pleine. Le télé-gonflage des pneus permet aussi d’abaisser la pression au champ pendant le travail.
Vider la trémie avant qu’elle ne soit pleine. Débarder avec deux bennes de 14 à 16 tonnes pour limiter la charge à l’essieu et le tassement au-delà de la profondeur de travail du sol.
Une fissuration du sol avant betterave, donc réalisée après moisson sur un sol ni trop sec ni trop humide, sera efficace pour conserver la portance en raison de la verticalisation du travail du sol.
Viser un sol vivant, riche en matière organique, bien drainé et biologiquement actif. L’implantation de couverts végétaux apporte de la matière organique et piège l’azote grâce aux légumineuses.
Perspectives
Le coût très élevé des arracheuses intégrales incite la plupart des planteurs à passer par les ETA. Cette organisation s’effectue au détriment de la souplesse d’intervention en fonction de la météo. Des groupes d’agriculteurs pourraient investir ensemble dans une machine d’occasion pour retrouver la maîtrise du calendrier.
« Une arracheuse “passe-partout” avec une trémie de 20 m³ offrirait davantage de souplesse et de respect du sol », suggère Hervé Van Hoecke
Malgré tout, l’anticipation reste le fil conducteur du chantier d’arrachage : le trio météo-organisation-diagnostic fait la différence, campagne après campagne.
