
Diversification des cultures : un levier concret pour la transition agroécologique
Nos usines Le 24/06/2025Évaluer la transition agroécologique au plus près du terrain : tel est l’objectif du mémoire d’Ughau Debreu réalisé dans le cadre de la formation Badge à UniLaSalle Beauvais. Il analyse les effets d’une diversification culturale sur les performances agronomiques et économiques d’une ferme typique de la Somme.

C’est sur les terres de sa propre famille, à Hangest-en-Santerre dans la Somme, qu’Ughau Debreu décide d’ancrer la thématique de son mémoire de fin de formation. Intitulé « Transition agroécologique d’une ferme du Santerre : diversification des espèces implantées dans la rotation », le rapport explore un levier central de l’agriculture régénératrice : la diversité des cultures. Assurant la mission de responsable de la durabilité agricole chez Saint Louis Sucre, Ughau Debreu confie que le sujet s’est imposé de lui-même.

« J’ai choisi la ferme de ma famille car elle est typique du Santerre : un système à haut potentiel où chaque changement de pratique peut avoir un impact direct sur les rendements. Par conséquent, la transition agroécologique est un risque mais s’avère d’autant plus stratégique. Mon objectif est d’apporter des réponses concrètes aux agriculteurs qui hésitent, en m’appuyant sur des données réelles, issues du terrain et de notre propre comptabilité. »
Ainsi, dans son mémoire, il évalue la pertinence agronomique et économique de deux leviers - l’introduction de la féverole et de couverts complexes - en lien avec trois indicateurs du programme agriculture régénératrice de Saint Louis Sucre. Il s’agit alors de la diversité des familles cultivées, la durée de couverture du sol et le bilan gaz à effet de serre (GES).
« Avec des gains mesurables sur ces trois indicateurs clé, ce mémoire montre que la transition agroécologique est tout à fait rentable » , souligne Ughau Debreu.

Une diversification bien ciblée
Le système de culture de la ferme familiale s’élargit avec l’introduction d’une culture de printemps, la féverole. De plus, des couverts multi-espèces remplacent la traditionnelle moutarde. Ces choix répondent à plusieurs enjeux : allonger la rotation, améliorer la fertilité organique des sols et renforcer la résilience économique de l’exploitation.
Les trois indicateurs étudiés sont les suivants :
- DFC (Diversité des familles cultivées) : mesure la variété et la répartition des familles végétales dans la rotation.
- DDC (Durée de couverture végétale) : identifie le nombre de jours annuels où le sol est couvert.
- Bilan GES : calcule les émissions en équivalent CO₂, liées notamment à la fertilisation.
Des résultats chiffrés encourageants
- Diversité des familles cultivées
Le DFC passe de 3,95 à 4,73 entre 2023 et 2025. Déjà élevée, cette diversité progresse encore grâce à l’introduction de la féverole et à l’enrichissement des couverts végétaux. La rotation intègre désormais huit familles végétales distinctes : graminées (blé, orge, maïs), fabacées (féverole, pois, vesce), crucifères (moutarde), chénopodiacées (betterave), solanacées (pomme de terre), astéracées (tournesol), hydrophyllacées (phacélie) et polygonacées (sarrasin).
- Durée de couverture des sols
En 2023, avec un semis tardif de moutarde, la parcelle de betteraves affichait 176 jours de couverture. En 2024, l’introduction du couvert court multi-espèces couvert I-Sol Explorer de Saint Louis Sucre permet d’envisager 210 à 230 jours, soit un gain de 30 à 50 jours. Le couvert est plus structurant, plus dense et détruit plus tardivement que la moutarde.
- Bilan GES
Les émissions de GES des betteraves baissent de 22 % entre 2023 et 2024. Trois facteurs expliquent cette tendance :
L’apport d’azote par les légumineuses en interculture (estimé à 30 unités N) ;
L’effet du précédent féverole (+ 20 unités N disponibles) ;
Un moindre recours aux engrais azotés.

Un effet économique mesuré
- Féverole comparée au blé
La marge brute prévisionnelle 2024 de la féverole atteint 1 516 €/ha, contre 1 116 €/ha pour le blé. La féverole apporte donc un gain net de 400 €/ha, sans compter l’effet précédent favorable à la culture suivante. De plus, l’année 2024 a été particulièrement bénéfique à la culture de la féverole.
- Betteraves
À rendement égal, le passage d’un couvert simple (moutarde) à un mélange multi-espèces permet une légère hausse de la marge brute de 5 €/ha. Cette différence s’explique par une baisse des apports azotés minéraux en raison d’une meilleure restitution de l’azote par les couverts. Le gain, modeste compense néanmoins le surcoût lié à l’implantation du couvert complexe. Mieux, si l’on intègre ces bénéfices agronomiques (fertilité et structure), le système devient plus performant.
Les recommandations
À l’issue de ce travail de terrain, Ughau Debreu formule plusieurs recommandations concrètes en lien avec les impacts agronomiques bénéfiques :
- Introduire une légumineuse de printemps, comme la féverole, dans les systèmes à forte part de cultures industrielles pour allonger la rotation et enrichir le sol en azote.
- Remplacer la moutarde par un couvert multi-espèces, dès que les conditions de semis le permettent, pour augmenter la durée de couverture du sol et accroître la biomasse produite.
- Cibler les dates de semis, car la réussite des couverts repose autant sur le choix des espèces que sur leur implantation précoce et dans de bonnes conditions de sol.
- Optimiser l’effet précédent : en intégrant les légumineuses avant des cultures exigeantes comme le blé ou la betterave, on réduit la fertilisation minérale.



